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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Poudré de sable d’or, au versant du coteau,
Près de ces gens qui n’ont pour tout bien qu’un bateau
Et de rares écus cachés dans leur commode,
Vient s’abattre un essaim de femmes à la mode
Et d’hommes désœuvrés, accoutrés galamment.
Du Tréport à Cabourg, le rivage normand
Arbore les couleurs de nos parisiennes,
Retentit des gaîtés de ces musiciennes
Mêlant au vent du large un air de piano
Et valsant à minuit dans le grand casino,
Dont le gaz aveuglant aux poissons qu’il effare
Décoche des éclairs plus vifs que ceux du phare.

Vous toutes, dont le but suprême est le plaisir,
Dans l’écrin du bonheur qui n’avez qu’à choisir ;
Qui, frivoles toujours, jeunes comme vous l’êtes,
Changez de passions autant que de toilettes,
Et faites de la plage une annexe du Bois,
Mondaines au cœur sec, songez-vous quelquefois,
Quand, durant une fête, en parcourant vos serres,
On vous berce de fins madrigaux, peu sincères,
Aux femmes des pêcheurs qui viennent vers le soir,
Remmaillant les filets, non loin de vous s’asseoir,
Et qui, sans cesse à l’œuvre, ou qu’il tonne ou qu’il neige.
Se résignent au sort des chevaux de manège ?

Votre métier est doux, à vous autres ; le soin
De charmer vous occupe, et vous n’avez besoin,
Comme les fleurs des prés déployant leurs ombelles,
Que de savoir sourire et de paraître belles.
O déesses, le lit moelleux qui vous attend
Est fourni par le cygne au plumage éclatant.
Elles, leur lit modeste est fait d’algues marines ;
À vingt ans le labeur déforma leurs poitrines ;