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FRÉDÉRIC PLESSIS.


Pour attrister sa fin quelle ombre fait défaut ?
La discorde a couvé dans sa famille même :
Le vieillard a connu cette honte suprême
De voir son fils courir sur lui, le glaive haut.

La mort de Plautien n’était qu’un premier crime !
C’est lui-même qui met trop longtemps à mourir.
Et Sévère pourtant n’a point osé férir
Comme l’osa Brutus, le consul magnanime.

Est-ce donc pour cela que par monts et forêts
Il chevaucha, saignant de plus d’une blessure ?
Qu’il a dormi jadis tout armé sur la dure
Et dans son casque bu l’eau trouble des marais ?

Ce fils, ce Bassien cher aux légionnaires
(Car il aime auprès d’eux à manier l’outil,
La truelle, ou le pic, ou la hache), qu’est-il ?
Un bouffon aux instincts charnels et sanguinaires.

Il le voit, dès demain, ivre d’égorgement,
Dissiper en plaisirs l’épargne paternelle,
Et de son œuvre, à lui, qu’il rêvait éternelle,
Par des vices nouveaux hâter l’effondrement.

Mais le César sémite à la barbe de neige
Oppose, malgré l’âge et les infirmités,
L’invincible rempart des fortes volontés
Au dégoût, au remords peut-être qui l’assiège.

Il meurt, farouche et seul, de la mort des lions;
Et lorsque le tribun de garde se présente,
Rouvrant avec effort sa lèvre agonisante,
Il donne pour dernier mot d’ordre : Travaillons.