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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


À l’heure où la plus lente illusion s’envole,
Où la blême clarté que projette la mort
Nous montre le néant au terme de l’effort,
Vieillard désabusé! telle fut ta parole.

À l’heure où nous voyons le but s’évanouir,
Tel fut ton jugement sur l’homme et sur la vie :
Une loi de travail tient la terre asservie,
Et le lâche, lui seul, refuse d’obéir.

La vie est pour nous tous une guerre sans trêve ;
Tant qu’on se bat encor, fût-il couvert de sang,
Nul soldat n’a le droit d’abandonner son rang
Et de jeter, pour fuir, sa cuirasse et son glaive.



LA RACE


Ma mère me l’a dit parfois dans mon enfance :
Sa famille en Bretagne arriva de Provence.
C’est pourquoi, né parmi les barbares du Nord
Sous leur ciel gris hanté par le Dieu de la mort,
J’aime de tant d’amour la vie et la lumière !
Et je retiens en moi, d’une souche première,
Une sève inconnue aux lieux où j’ai grandi,
La sève qui fermente au soleil du Midi.
Je suis resté ton fils, ô Province romaine!
Et le vieux sang latin bleuit encor ma veine.
Ami, voilà comment je n’ai jamais été
Qu’un poète païen épris de la Beauté,