Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/56

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qu’il avait reçue de son père, voyageant sous un nom d’emprunt et le suppliant d’oublier ses traces.

« J’ignorais ces détails, » répondit-elle, surprise et troublée, il ne m’en avait jamais rien dit ; et son cœur, immuable jusque-là, commençait à plaider de lui-même les circonstances atténuantes en faveur de l’artiste qui la contemplait.

Georges ajouta :

« Quelque chose de plus grave m’arrêtait… J’avais pressenti qu’elle-même m’interdirait de la connaître, qu’un abîme se creusait entre nous deux, qu’elle avait passé l’Océan pour me défendre l’espérance… Et en effet, à quoi pouvais-je prétendre alors ?

— Les vrais artistes peuvent prétendre à tout, » répliqua-t-elle vivement, et sans transition, n’admettant pas les moyens termes, elle lui cita Titien, Vélasquez et Rubens, traités comme des princes par les souverains de leur temps.

« Oui, reprit-il, en essayant un triste sourire, mais alors j’avais encore tout à faire… Aussi je voulus à tout prix conquérir un nom pour être digne un jour de la femme qui m’était apparue comme dans un rêve, si jamais le hasard ou la Providence me permettaient de la rencontrer. »