Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/57

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Un soupir involontaire échappa à Marie Alvarès.

« Il ne faut plus y songer, » se dit-elle tout bas, le cœur plein de larmes.

Et il y eut un long silence tandis qu’elle regardait en elle.

Elle venait d’entrer dans un nouvel ordre de pensées, où sa ferme volonté fléchissait. Elle en fut effrayée. Comme si elle se repentait d’en avoir trop dit, ou craignant peut-être d’en révéler davantage, elle se leva brusquement, et montrant du doigt, sur la haute colline d’en face, les ruines de Saint-Michel, qu’ils n’avaient pas encore visitées :

« Passons la rivière, dit-elle, nous verrons l’abside romane en débris, où se plaisent de grosses touffes de giroflées sauvages. »

Ils franchirent le petit pont d’une arche, près d’un moulin en ruines, tout silencieux en travers de sa rivière, avec une grande roue immobile dans son biez, et quand ils parvinrent aux débris de la chapelle, Georges escalada la haute niche d’un vieux saint de pierre pour lui arracher ses fleurs, sans crainte de sacrilège, puisqu’elle les voulait. Puis ils donnèrent ensemble un rapide coup d’œil à la fraîche vallée, sinueuse, intime et profonde, tout en accordant un religieux souvenir aux saintes croyances des ancêtres et en admirant leur merveilleux instinct