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derrière les vieux murs en ruines

sommes rassasiés ! Certes ! Tu n’as pas restreint avec nous !…

— Si je n’ai pas restreint, proteste le marchand, c’est dans la restriction, car, pour honorer des hôtes tels que vous, il ne devrait plus rester en ville un poulet ni un seul mouton !… Au moins, goûtez encore à ce méchoui.

Mais le méchoui au cumin ne saurait nous tenter, pas plus que les charia[1] », — les petits cheveux, — que les femmes ont roulés patiemment, un à un, entre leurs doigts ; ni les beignets bourrés de crème, de viandes ou d’amandes pilées ; ni les beraouat à la frangipane ; ni les confitures de limons, de tomates et de fleurs d’oranger.

La verve des convives s’est éteinte ; ils ne songent plus à médire de leurs compatriotes.

Affalés sur les sofas, nous nous taisons, l’esprit lourd et la pensée vague. Les pâtisseries, que les esclaves passent en même temps que le thé, nous font presque horreur ; le moindre geste nous semble épuisant…

Pourtant je me lève et je suis Mahjouba la négresse, afin d’aller dans le harem où l’on m’attend. J’accomplis cette visite sans joie, par simple bienséance, car les femmes du tajer Ben Melih ne méritent pas seulement leur réputation de dévergondage. Ce sont les plus communes, les

  1. Sorte de vermicelle.