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derrière les vieux murs en ruines

minerais jaunes, casse à petits coups les œufs dont les coquilles jonchent les mosaïques, se complaît à une lente et minutieuse préparation. Puis il va boire à la fontaine, cueille une orange, considère le ciel que le crépuscule ne rosit pas encore, hélas !… et se réaccroupit sans enthousiasme devant le coffre commencé !

Larfaoui est un artiste, et je me sens pleine d’indulgence pour sa paresse. Parfois, il abandonne son travail durant plusieurs jours, car c’est « la fête du soleil ». Alors il s’en va, une cage à la main, dans une arsa fleurie. Étendu sous un arbre, il écoute l’oiseau, sirote une tasse de thé, respire le parfum des roses… Il jouit.

Après ces fugues, il ne manque pas de m’apporter un bouquet où un fruit, qu’il m’offre avec un large rire. Larfaoui me désarme et m’enchante. Saïd s’est installé auprès de lui et considère son œuvre. S’il plaît à Dieu ! Saïd lui aussi sera peintre, il perpétuera les traditions qui ont créé tant de merveilles.

— Quel est cet enfant ? demande Larfaoui.

— Un petit abandonné que nous élèverons.

— Allah vous récompense ! D’où vient-il ?

— C’est le fils de Sellam le potier.

— Ah ! fait Larfaoui, d’un air singulier. Va me chercher un verre d’eau, dit-il au bambin, et, dès que celui-ci disparaît, il ajoute :

— On ne t’a donc pas dit qu’il a deux sœurs, des prostituées, hachek ? (sauf ton respect).