Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t1, 1880, trad. Aulard.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et les deux joues couvertes de larmes, la poitrine haletante, le pied vacillant, il prenait la lyre en main : « Ô très heureux, vous qui offrîtes votre poitrine aux lances ennemies pour l’amour de celle qui vous mit au jour ; vous que la Grèce honore et que le monde admire. Quel si grand amour entraîna vos jeunes âmes dans les armes et dans les périls ? quel amour vous entraîna dans l’amer destin ? Comment, ô fils, vous parut-elle si joyeuse, l’heure suprême, quand, en riant, vous courûtes vers le pas lamentable et dur ? Il semblait que chacun de vous allât à une danse ou à un banquet splendide, et non pas à la mort. Mais l’obscur Tartare et l’onde morte vous attendaient, et ni vos épouses ni vos fils ne furent près de vous quand sur l’âpre rivage vous mourûtes sans baiser et sans larmes.

« Mais non pas sans un horrible châtiment et une immortelle angoisse des Perses. Comme un lion, dans un troupeau de taureaux, saute sur le dos de celui-ci et lui déchire l’échine avec ses crocs, et mord le flanc de celui-là et la cuisse de cet autre : telles parmi les bataillons perses sévissaient la colère et la valeur des poitrines grecques. Vois les chevaux et les cavaliers à terre. Vois la fuite des vaincus s’embarrasser dans les chars et les tentes tombées, et courir parmi les premiers, pâle et échevelé, le tyran lui-même. Vois comme sont couverts du sang barbare ces héros grecs qui causent