Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Or, l’auteur des Châtiments était proscrit et populaire. En ne s’inclinant pas devant l’illustre poète, qui, pour la jeunesse frondeuse, était surtout l’auteur de Napoléon-le-Petit, on semblait faire sa cour au pouvoir. Ceci fut certainement une des causes de l’insuccès du Réalisme. Zola n’apprécia cette attitude que comme une révolte littéraire. Elle était conforme au goût bourgeois d’alors. On applaudissait la Lucrèce de Ponsard et les Ennemis de la Maison de Camille Doucet, par esprit de réaction, plus politique que poétique. Les romantiques, bien que beaucoup, comme Théophile Gautier, eussent les faveurs des Tuileries, passaient pour « des rouges » . Il semble tout naturel aujourd’hui, écrivait Zola, trente ans plus tard, de juger froidement et sévèrement le mouvement de 1830. Mais, à cette époque, c’était là une hardiesse surprenante… J’ai souvent confessé que nous tous, aujourd’hui, même ceux qui ont la passion de la vérité exacte, nous sommes gangrenés de romantisme jusqu’aux moëlles ; nous avons sucé ça au collège, derrière nos pupitres, lorsque nous lisions les poètes défendus ; nous avons respiré ça dans l’air empoisonné de notre jeunesse. Je n’en connais guère qu’un ayant échappé à la contagion, et c’est M. Duranty. Souvent, lorsque je songe à nous, j’ai une conscience très nette du mal que le romantisme nous a fait. Une littérature reste toujours troublée d’un pareil coup de folie… Duranty fut donc antiromantique, comme on est anticlérical. Il apporta dans cette négation toute l’ardeur du sectaire. Il prétendait remonter à Diderot, dont son collaborateur Assézat devait donner une excellente édition. Voici comment il définissait sa doctrine : Le Réalisme conclut à la reproduction exacte, complète, sincère, du milieu social, de l’époque où l’on vit, parce qu’une