Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/288

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trois ans avant l’Assommoir. Ce procès eût abrégé le stage que Zola devait encore faire avant d’arriver à la notoriété, au succès et à la fortune. C’est une Phèdre moderne que cette Renée, et son Hippolyte est le pâle convive d’un festin de Trimalcion contemporain. Un roman truculent, évoquant les orgiaques banquets du Bas-Empire. Une des œuvres les plus colorées et les plus romantiques de Zola. Il y a un peu de grossissement dans les faits et d’exagération dans les personnages : Zola, il est vrai, écrivit ces pages, où Juvénal et Pétrone semblent avoir soufflé des épithètes, au moment où l’empire s’écroulait dans le sang, dans la honte, et où l’indignation et le dégoût excitaient à voir tout hors de proportion : on vantait la corruption impériale à force de la dénoncer énorme. C’était l’époque où, dans le langage de chaque patriote vibrant et surexcité, tout était à l’outrance : la guerre comme le mépris. C’est peut-être dans la Curée que la très grande et très extraordinaire puissance descriptive dont fut doué Zola atteignit son apogée. Non seulement le relief, la configuration extérieure et l’impression plastique des êtres et des choses s’y trouvent rendus avec une netteté incomparable et une perfection sans rivale, l’art précis de Vollon ou de Roybet, mais l’atmosphère, le son, le rythme, l’allure propre à l’homme, ou imprimée par lui à l’objet dans son ambiance, y sont traduits avec une couleur qui éblouit et une vérité qui déconcerte. C’est de la peinture plus exacte que la photographie. Voici, en exemple, le dîner donné par le spéculateur Saccard à une meute de bonapartistes, pourceaux sénatoriaux du bas empire, s’empressant à qui dévorera ce règne d’un moment.