Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’épithète, qui est la parure du vers. Sans épithètes, la phrase rimée, le vers, n’ont ni force ni coloris. La cheville n’est que la mauvaise épithète, en toc, la monture mal sertie par un joaillier insuffisamment approvisionné, et peu habile. L’influence mussettiste, très vivace durant la période juvénile de Zola, chez lui ne persista pas. Elle apparaît dans les poèmes de Paolo, de l’Aérienne, de Rodolpho, elle demeure invisible, complètement éteinte dans l’œuvre virile, dans l’œuvre véritable. Michelet, Hégésippe Moreau, Rabelais, Dante, Théophile Gautier, Sainte-Beuve, et quelques autres auteurs modernes, figurent encore parmi les confidents et les consolateurs du jeune ermite du belvédère de la rue Neuve-Saint-Étienne-du-Mont, mais ne semblent pas avoir sérieusement agi sur sa pensée, sur ses projets littéraires. Il devait, plus tard, lire Taine et quelques livres de physiologie et de science mentale, comme l’Hérédité du docteur Lucas, ou de sociologie anecdotique, comme le Sublime de Denis Poulot. Ces ouvrages contribuèrent à la seconde éducation de Zola. Ils agirent sur sa pensée émancipée, et sur son œuvre d’homme fait. Le rimeur obstiné, mais pas doué, qu’était l’auteur de Rodolpho, parvenu à la maturité de l’intelligence, en possession de toute sa volonté, énergiquement renonça à la poésie. Il fit, avec un héroïsme dégoûté, le sacrifice de ses rimes. Jetant ses premiers vers au fond d’un tiroir, sans préoccupation d’éditeur, accrochant la lyre dans l’armoire aux souvenirs, avec une résignation virile, regrettant peut-être de n’avoir pu devenir le lyrique et le poète épique qu’il avait souhaité d’être, il empoigna, afin de produire l’œuvre nouvelle, la prose, « mâle outil pour les fortes pensées » .