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M. THIERS, CHEF DU POUVOIR EXÉCUTIF

Dans les séances suivantes le pouvoir exécutif fut constitué. Sur le rapport de M. Victor Lefranc, M. Thiers fut nommé chef du pouvoir exécutif de la République française. Il devait exercer ses fonctions sous l’autorité de l’Assemblée Nationale, avec le concours de ministres qu’il choisissait, et dont il présidait le conseil. Thiers devenait un véritable président de la République, aux pouvoirs très étendus, à peu près les mêmes qui furent conférés à ses successeurs, Mac-Mahon, Grévy, Carnot, avec cette différence que ses pouvoirs avaient une durée illimitée. En fait la République existait, était reconnue, maintenue, puisqu’on lui donnait un président.

Louis Blanc fit entendre une réserve, à la suite de ce rapport. Il protesta contre le sentiment exprimé par le rapporteur que la République n’était admise qu’à titre provisoire. Il affirma hautement que la République était la forme naturelle, nécessaire, de la souveraineté populaire. « Le suffrage universel lui-même ne peut rien contre la République ! » s’écria l’éloquent républicain. Et comme M. Javal interrompait ironiquement : « C’est la République de droit divin ! » Louis Blanc riposta : « Je répète que le suffrage universel ne peut rien contre la République ! » Des rumeurs interrompirent ; il continua, enflant la voix, dressant sa petite taille, grandi par l’ampleur du geste :

— « Non ! une génération ne peut confisquer le droit des générations futures ! Le suffrage universel, en établissant l’hérédité monarchique, se suiciderait et perdrait sa raison d’être. La République n’a donc pas besoin d’être reconnue pour exister ».

Après cette protestation théorique, écoutée avec impatience