Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/291

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pendue ; au lieu de recevoir, ce commerçant a dû dépenser. Il a servi son pays, il a fait son devoir de citoyen, mais cela ne lui a pas mis d’argent en caisse pourtant il devra s’exécuter, le 15 mars et dates suivantes, et payer capital et intérêts ! En vérité ce serait une triste récompense de son patriotisme !

Il aurait pu quitter Paris, faire du commerce, soit à Bordeaux, soit à Marseille, recevoir, là ou ailleurs, sa correspondance, entretenir ses relations, etc…., enfin réaliser de l’argent, puis revenir à Paris, après la conclusion de la paix, sans avoir couru aucun danger, et payer ses effets en souffrance. Son crédit serait raffermi, il serait considéré, et, plus tard, on dirait de lui : il a su résister à la terrible crise qui a frappé tant de commerçants ! Au lieu de se conduire ainsi en mauvais citoyen, il a voulu faire tout le possible pour contribuer à la défense nationale ; il a beaucoup souffert de cette guerre, dont il ne voulait pas ; il a vu ses ressources s’épuiser, une à une, en gardant ses employés sans travailler, en logeant, en nourrissant des mobiles, des blessés ; mais il ne peut payer, donc il faut le mettre en faillite. Ce serait insensé…

Eh bien, c’est ce qui arrivera si la loi Dufaure passe : plus de 100,000 fabricants, commerçants, négociants, seront ruinés et déshonorés, et ces déshonneurs et ces ruines amèneront forcement la débâcle générale.

Si c’est cela qu’on désire, il faut voter cette loi inique, irréfléchie, anti-démocratique.

Si, au contraire, on veut raffermir le crédit, si on veut sauver la situation, il faut accorder du temps.

On ne voulait ni raffermir le crédit, ni sauver la situation, mais exaspérer les commerçants, les employés, dans l’espoir que cette classe moyenne, sans aller toutefois jusqu’à une prise d’armes, dont la détournaient son tempérament, ses habitudes prudentes, sa timidité et son respect héréditaire des lois et des autorités établies, approuverait les résistances révolutionnaires. Peut-être les plus déterminés de ces mécontents y participeraient, motivant par conséquent l’intervention armée, justifiant la répression cherchée. Le gouvernement fit donc la sourde oreille,