Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/420

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Lecomte, et il ajoute, en regardant les insoumis que les gardiens de la paix emmènent : « Canailles ! votre compte est bon ! » De sourds grognements s’élevèrent des rangs des soldats restés sur le plateau. Lecomte revient vers eux, menaçant, fiévreux, criant qu’il brûlera la cervelle au premier qui n’obéira pas. Alors, levant son sabre, il commande : Feu ! pour la troisième fois. Pas une détonation ne s’entend, pas un fusil n’a bougé. Le général Lecomte, perdant la tête, s’avance au front des troupes, toujours inertes, et dit rageusement :

— « Puisque vous ne voulez pas vous battre, tas de canailles, alors rendez-vous ! »

Une voix s’élève des rangs. C’est celle du sergent Verdaguer, plus tard fusillé à Satory, pour cette insubordination plutôt que pour l’affaire de la rue des Rosiers. Cette voix, en manière de réponse, lance cette invitation :

— « Camarades, armes à terre ! »

Aussitôt quelques soldats jettent leurs fusils devant eux. On perçoit le tintement métallique des canons sur le sol. À ce mouvement répond une acclamation joyeuse. Les gardes nationaux lèvent leurs crosses en l’air, en criant : vive la ligne ! Les femmes se précipitent sur les soldats, les étreignent, les embrassent. De toutes parts on agite les fusils, les képis ; on se serre les mains ; les gardes nationaux tendent aux lignards, qui sont encore armés, leurs tabatières et prennent leurs chassepots ; les officiers sont bousculés, cernés, désarmés.

Le commandant Vassal, qui est au poste de la rue des Rosiers, se sauve. Il se réfugie dans la maison portant le numéro 3, où une femme lui donne un vêtement civil, grâce auquel il peut se faufiler dans la foule, et disparaître. Moins heureux, ou plus brave, le général Lecomte reste. Il est bientôt empoigné, mis en arrestation.