Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/141

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heure faisaient du socialisme à leur insu. Le Dix-Huit mars a été seulement une insurrection politique. Après coup, elle prit un caractère social.

Il est certain que les idées socialistes étaient dans l’air, et aussi dans beaucoup d’esprits, au matin de ce dix-huit mars. Les polémiques et les discours dans les dernières années de l’empire, la fameuse « liquidation sociale », thème favori des discussions au Pré-aux-Clercs, à la Redoute, à la salle d’Arras, les réunions et les clubs pendant le siège, les conversations entre gardes nationaux, ouvriers et bourgeois, durant les longues oisivetés des postes, entre deux factions aux remparts, la propagande des survivants de 48, avaient déjà familiarisé les oreilles et les cerveaux avec les théories sociales.

Chaque insurrection, chaque grand soulèvement populaire, même ayant connu l’avortement ou l’écrasement, amenèrent un pas en avant vers le progrès social. On peut considérer le système socialiste, complexe et nullement limité ni circonscrit dans des formules étroites et des règles précises, comme un vaste bloc, un peu informe, gisant inerte dans un bas-fond, et qu’il s’agit de remonter, de hisser sur un plateau ardu, — là où la société se maintient en équilibre. Il faut un cylindre et un cric pour cette opération. C’est le rôle des insurrections et des guerres civiles. Chaque génération insurgée donne un tour aux dents du cric, et le cylindre se meut et avance. Il n’était pas douteux que, puissant levier, la révolution du Dix-Huit mars ne dût faire monter de plusieurs crans le bloc du socialisme, poussée plus forte que celle de 48. Mais il serait téméraire de prétendre que les Parisiens de la fin du siège avaient la préoccupation de porter beaucoup plus avant la masse des réformes sociales, et qu’en prenant possession de l’Hôtel-de-Ville, comme en convoquant les électeurs, le Comité Cen-