Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/149

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vit, à la clarté d’une lampe coiffée de son abat-jour, qu’élevait Mme Thiers, en peignoir, avec des papillottes tirebouchonnées sous son bonnet nocturne, un général se pencher vers son lit. Il entendit ce guerrier lui crier aux oreilles : — Monsieur le président ! Monsieur le président ! je vous demande pardon ! mais il faut absolument que je vous parle !

M. Thiers, les yeux appesantis, reconnut vaguement celui qui l’éveillait, et dit de sa voix aigrelette, d’un ton contrarié :

— C’est vous, Vinoy ? que se passe-t-il donc ?

Mme Thiers intervint :

— Le général a voulu vous parler absolument. Il dit qu’il s’agit de choses très graves…

Le général prit aussitôt la parole, cependant que Mme Thiers, après avoir posé sa lampe sur un guéridon, s’éloignait discrètement. Vinoy dit alors que, s’il avait insisté pour parler au chef du pouvoir exécutif, malgré l’heure indue, c’est qu’il avait appris, et avec stupeur, que l’ordre avait été donné à la brigade Daudel de rallier immédiatement Versailles. Or, ce mouvement avait eu pour conséquence de laisser le Mont-Valérien dégarni de troupes, à la merci d’un coup de main des insurgés. M. Thiers reconnut que c’était la une imprudence, mais il ne pouvait rester à Versailles sans protection ; il était responsable de la sécurité de l’Assemblée nationale qui allait se réunir, et la brigade Daudel était sûre ; elle seule avait des régiments sur lesquels on pouvait compter ; il ne lui était pas possible de s’en passer. Le général Vinoy dit alors avec fermeté qu’il avait déjà écrit pour réclamer la réoccupation immédiate du Mont-Valérien, et qu’il résignerait son commandement si l’on ne tenait pas compte de sa demande.

Vinoy a raconté ainsi cet entretien nocturne, dont les