Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/204

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seule chose était précise, la date des élections municipales fixée entre le 28 mars et le 3 avril. Les Parisiens se contenteraient-ils de cette simple concession, bien minime ? À ce jour 23 mars, on savait, à Versailles comme à Paris, que les élections municipales, déjà remises, auraient lieu tout prochainement, avec ou sans l’approbation de l’Assemblée. Il valait mieux, pour satisfaire le goût de légalité qui était dans l’esprit de beaucoup d’électeurs, et pour réunir plus de monde autour des urnes, que l’opération électorale parût se faire à la suite d’un pacte conclu par l’Assemblée et le gouvernement avec le pouvoir insurrectionnel et les municipalités. Mais il était compris par tous qu’on passerait outre à cette sanction versaillaise, s’il n’était pas possible de l’avoir. Une élection est un fait, et ce n’est ni avec des formalités de légalité, ni avec la contestation de la légitimité de la convocation électorale, qu’on peut l’anéantir, si les électeurs vont au scrutin. Le suffrage universel étant la loi suprême de la démocratie française, et la brutalité du nombre écrasant toutes les arguties juridiques, il était évident que si les électeurs s’estimaient dûment convoqués, s’ils se trouvaient réunis à une date adoptée et s’ils votaient, aucun pouvoir ni législatif ni judiciaire ne pourrait faire qu’on n’eût pas voté, ni prétendre que le vote n’avait pas eu lieu.

Il en est de même quand le peuple vote pour un citoyen frappé d’inéligibilité. On peut annuler son vote, l’élu réel peut ne pas siéger, et même être remplacé par celui que le suffrage universel a dédaigné, mais le fait de l’élection n’en existe pas moins. Si l’accord ne s’établissait pas, Versailles pouvait, par la force, empêcher les élus de se réunir, par la force les disperser, et supprimer par le fait un scrutin obtenu, mais ce scrutin n’eût pas moins existé, et on n’aurait pu à Versailles nier l’évidence du vote, ni affir-