Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/225

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nale. Elle était indispensable aux trois quarts de la population parisienne pour l’existence quotidienne.

Les délégués aux finances, Jourde et Varlin, se rendirent au trésor pour s’enquérir de l’état des sommes en caisse. Un sous-caissier leur remit la situation au dix-huit mars. Elle accusait un actif de plus de quatre millions. Les délégués demandèrent à en prendre possession. Il leur fut répondu que les clefs étaient, avec le caissier principal, à Versailles. Varlin et Jourde eurent le scrupule de s’emparer de cette somme au nom du gouvernement insurrectionnel. Ils n’avaient qu’à requérir un serrurier et quelques gardes nationaux. Ils respectèrent la caisse du trésor, comme ils devaient non seulement respecter, mais protéger les caves de la Banque de France. Les deux délégués se retirèrent, et comme ils savaient que les gardes nationaux, leurs femmes, leurs enfants, attendaient le paiement de la solde pour manger, et qu’il fallait absolument trouver de l’argent sur l’heure, il leur vint l’idée de s’adresser à M. de Rothschild.

Pour l’imagination populaire, pour les gens en dehors du mouvement financier, Rothschild personnifiait, concentrait toute la richesse : lui seul avait de l’argent, lui seul pouvait en prêter. Les délégués se rendirent chez le Crésus de la rue Laffitte. Celui-ci, qui n’avait pu encore se réfugier à l’abri des baïonnettes versaillaises, ayant des intérêts considérables à surveiller à Paris, se mit de bonne grâce à la disposition des argentiers sans le sou de la Révolution. Il leur offrit cinq cent mille francs, non sans inquiétude, car ces délégués, avec leurs bataillons, pouvaient exiger bien davantage. Ils auraient pu même mettre dehors gouverneur, caissier et employés de la Banque, et prenant leurs clefs, ouvrir caisses et caves, puiser dans cette immense réserve financière, bref se passer de toute permission.