Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/243

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bres de la Commune furent trop disposés à se constituer en parlement. Ils avaient l’aptitude parlementaire plus forte que leur vocation nouvelle de chefs de barricades. Ils firent trop de motions, trop de discours, trop de politique et trop de socialisme théorique. Ils laissaient faire les barricades, leur véritable besogne, par un brave homme dévoué, mais insuffisant, le cordonnier Gaillard. Il fallait se considérer comme des insurgés en permanence et se battre au lieu de légiférer. L’insurrection triomphante et Versailles vaincu, contraint à demander la paix, alors la Commune, avec sa sélection révolutionnaire, avec ses mandarins socialistes, pouvait jouer un rôle grand et fécond. Mais il n’y avait pas de place pour les théoriciens, pour les hommes de réunions publiques et les doctrinaires de cabinet, sur le champ de bataille. C’était l’endroit où le Comité Central, maître des bataillons, devait se montrer, commander, agir, entretenir et activer la flamme insurrectionnelle. La dualité de pouvoir, la rivalité de direction et l’antagonisme des deux autorités issues de l’insurrection furent nuisibles à la cause et contribuèrent à sa défaite. S’il avait été possible d’opter, c’est le Comité Central qui eût dû subsister seul, tant que Versailles aurait gardé les armes.

La Commune a perdu la Commune.

Le Comité Central ne l’eût pas sauvée, après le 2 avril ; mais avant ? Durant les deux semaines gaspillées, ce pouvoir combattant, cette dictature militaire, même avec de déplorables éléments comme ils en contenaient, et qu’il faut reconnaître, sans accepter toutes les divagations malveillantes de Crémer, traitre évincé, eussent certainement pu entrainer les cent cinquante mille hommes sous les armes, bien vite grossis de bataillons indécis et de gardes prêts à se rallier au succès probable. Alors Versailles envahi, débordé, capitulait.