Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/249

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abrutis faisant du lieu de leurs délibérations une crapuleuse taverne ? Et leurs subordonnés, ces gardes nationaux, sans cesse debout, aux maigres repas et prenant à peine quelques heures de sommeil, qui devaient soutenir un second siège plus meurtrier que le premier, ces pères de famille dont la présence sous les armes était pour ainsi dire permanente, en faire un ramassis de soulards pouvant à peine se tenir sur leurs jambes, n’est-ce pas abuser du droit que prennent les vainqueurs, d’insulter après coup ceux qui sont vaincus ou morts ? Comment cette poignée d’ilotes, que prétendait avoir vus Crémer, a-t-elle pu arrêter, deux mois devant les murs et huit jours dans Paris, après une lutte évoquant celle de Saragosse, une armée formidable, exercée et disciplinée ? Comment a-t-il fallu six semaines de siège et d’assauts quotidiens, sans parler de la trahison, pour se rendre maître d’une place défendue par des gens « qui ne pensaient qu’à bien boire et à bien manger » ?

Le général Crémer s’est évidemment moqué de la commission en voulant lui faire accroire ces bourdes, comme les écrivains réactionnaires, qui se sont inspirés de ses mensonges, ont abusé de la crédulité passionnée de leurs lecteurs en dénonçant les « orgies » de la Commune. C’était donc un gouvernement de voluptueux et de sybarites, celui dont le ministre des Finances, Jourde, ayant à sa disposition toutes les recettes de la Ville, pouvant puiser dans les caves de la Banque, se contentait des appointements d’un sous-chef de bureau actuel, et, par économie forcée, envoyait sa femme au lavoir blanchir le linge de la maisonnée ?

Un écrivain, peu favorable pourtant aux communards, et qui est resté à Paris tout le temps de la lutte, a été moins malveillant quand il a dit :

On ne compte pas que des ivrognes et des énergumènes