Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/248

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Croit-on que, parmi ces insurgés, dont la plupart étaient des convaincus et des patriotes exaltés, il s’en fût trouvé beaucoup disposés à suivre des chefs en fête ? Il n’eût même pas été prudent, de la part des membres du Comité Central, de festoyer dans le palais municipal, à plus forte raison de s’y montrer ivres jour et nuit, comme l’a raconté Crémer.

Les simples gardes eussent immédiatement protesté et cassé de leur grade ces mandataires inconvenants et indignes. Le peuple de Paris en temps de révolution s’est toujours montré impitoyable pour les voleurs et pour les ivrognes. Les membres du Comité Central se savaient surveillés par ceux qui, les ayant élus, pouvaient leur ôter, avec leurs galons, la possibilité de faire des bombances insultantes pour la misère et l’anxiété de la population. Qu’il y ait eu, dans les compagnies, des gardes ayant bu un coup de trop, c’est probable et même certain. L’inaction durant le siège, la privation d’aliments et le désir de soutenir leurs forces et leurs nerfs avec le vin, qui n’a jamais fait défaut, avaient développé des penchants à l’alcoolisme, malheureusement trop fréquents, mais ce n’étaient là que des tares accidentelles et des désordres restreints. Il est absurde de conclure du particulier au général, comme le voyageur anglais ayant remarqué une servante rousse. Il y a des individus qui boivent dans toutes les armées. Les soldats, et aussi les officiers, à Versailles, ne furent pas tous des modèles de sobriété. Mais de là à étendre à tous les excès de quelques-uns, comme n’ont pas manqué de le faire, à la suite de Crémer, les narrateurs de la réaction, il y a loin. Les proclamations, les arrêtés des membres du Comité Central, d’une lucidité parfaite, et souvent, comme on a pu le voir d’après les extraits cités, d’une éloquence admirable, pouvaient-ils être l’œuvre de gens plongés dans la plus basse débauche, de pochards