Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/293

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entouré de troupes encadrées, organisées, présentant déjà une certaine cohésion, et de se mettre à la tête de volontaires civils, de combattants improvisés, venus de tous côtés, pour enlever des barricades et disperser des émeutiers. La guerre des rues effraye souvent les militaires, par ailleurs intrépides. Les souvenirs tragiques des journées de juin devaient être présents à l’esprit de l’amiral. Il savait avec quelles difficultés, et au prix de quelles pertes, les meilleurs généraux d’alors, les valeureux africains, Lamoricière, Bedeau, Négrier, Duvivier, avaient pu se rendre maîtres de l’insurrection.

Et les bataillons du Comité Central étaient autrement armés et organisés que les insurgés de juin ! Toutes ces considérations engageaient l’amiral à ne pas brusquer les choses, et à retarder la bataille jusqu’à la rendre impossible et inutile. Cette prudence était conforme aussi aux désirs de M. Thiers, qui ne tenait pas à risquer une lutte prématurée. Gagner du temps était son but, et Saisset entra si complètement dans ses desseins qu’on peut facilement admettre qu’il les devait connaître, au moins en partie.

L’amiral était si peu rassuré sur le résultat d’un combat dans Paris, que sa principale préoccupation avait été de se ménager une retraite, de protéger « ses derrières », comme il disait sans cesse. On a vu qu’il réclamait vingt mille sacs à terre pour fortifier la gare de Colombes, à dix kilomètres du Grand-Hôtel, son quartier général. Il comptait se retrancher dans cette banlieue écartée, en cas d’un insuccès qu’il prévoyait. M. Thiers lui refusa les sacs, ainsi que les troupes qu’il réclamait. L’amiral évita de se rendre au milieu de la petite armée dont il était le chef. On ne le vit que deux fois, en de courtes apparitions, à la mairie de la rue de la Banque, où Schœlcher l’attendait, où Vautrain, Tirard, Héligon, les vrais chefs de la résistance bourgeoise,