Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/294

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vainement l’invitaient à se montrer, à encourager les résistants par sa présence. Il ne voulut pas quitter le Grand-Hôtel, parce qu’il se trouvait au centre d’un quartier tout à fait rassurant, et à proximité de la gare Saint-Lazare, c’est-à-dire de Versailles. Les francs tireurs des Lilas et de Pantin, gens de sac et de corde comme il les qualifiait, mais en qui seulement il avait confiance, lui gardaient cette retraite. Il n’avait figuré que de loin à la manifestation de la rue de la Paix. Lorsqu’il jugea le moment venu de mettre quelques kilomètres entre lui et les fédérés, et aussi de s’éloigner de ses inquiétants guerriers, il décampa si prestement qu’il laissa, comme trophées, aux fédérés venant occuper le Grand-Hôtel, ses gants et sa jumelle.

Il a prétendu que la position était intenable et qu’il ne disposait que d’éléments insuffisants ou défectueux pour une résistance. Tous les témoignages démentent cette allégation. Non seulement la résistance était possible dans les premiers jours, mais elle offrait alors toutes les chances d’adhésions et de succès. Schœlcher[1], dont l’énergie était notoire, adjoint à l’amiral pour l’organisation de cette résistance, a déclaré qu’elle pouvait même se terminer par une victoire. Schœlcher a donc fortement contredit les allégations pessimistes et probablement calculées, du prudent Saisset.

  1. Victor Schœlcher, né à Paris, le 21 juillet 1804, membre des sociétés politiques : « Aide-toi, le ciel t’aidera » et les « Droits de l’homme » sous la Restauration et Louis-Philippe. Écrivain d’art. Fait un voyage en Amérique en 1829. En revient tout acquis à l’émancipation des noirs. Sous-secrétaire d’état à la marine en 1848, il fait rendre le décret abolissant l’esclavage aux colonies. Elu représentant de la Guadeloupe et de la Martinique. Membre de l’extrême gauche. Partisan de l’abolition de la peine de mort. Au 2 décembre 1851, très brave, il va sur la barricade du faubourg Saint-Antoine, ceint de son écharpe. Proscrit, il refusa de rentrer à l’amnistie. Au 4 novembre 1850 est nommé colonel de l’artillerie de la garde nationale. Député à l’assemblée nationale au 8 février 1870. (La Seine, Martinique et Guyane), puis sénateur inamovible.