Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/298

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état de défense, ne pouvait pas repousser une attaque sérieuse, si elle se produisait. De sa conversation avec M. Thiers, il résulta pour lui la conviction « qu’il fallait gagner du temps » pour amener une conciliation. M. Thiers, fourbe émérite, se garda bien de révéler à M. Desmarets ses véritables sentiments. Il feignit encore une fois des dispositions conciliatrices. Pour abuser davantage le trop confiant Desmarets, comptant bien que celui-ci, de retour à Paris, confirmerait ses collègues indécis dans la supposition qu’un accord était possible, il lui remit la lettre suivante, destinée aux maires, et, par eux, devant être connue de la population, et cela afin de la leurrer encore.

Versailles, 23 mars 1871.

Messieurs les Maires,

Vous n’êtes pas en désaccord avec le gouvernement, en supposant que dans les circonstances actuelles il ratifiera toutes les mesures de pardon et d’oubli que vous croirez devoir prendre, pour ramener à la cause de l’ordre les hommes qui se sont laissé engager dans la sédition, et qui ne sont coupables que d’égarement.

Recevez, etc.

Le président du Conseil, Chef du pouvoir exécutif.
Thiers.

La duplicité était au comble. M. Thiers était persuadé que l’honnête Desmarets prendrait au sérieux ces déclarations pacifiques et clémentes. Il ferait valoir les promesses de « pardon et d’oubli », que les maires étaient autorisés à donner. On admettrait les intentions conciliantes du gouvernement. Cette ruse devait paralyser quelque temps encore le Comité Central, du moins les hésitants et les timides dans les bataillons. C’était un moyen de faire ajourner l’idée d’une marche sur Versailles, et cette fourberie complétait l’amusette électorale.