Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/305

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civile. Beaucoup cependant la jugeaient bien prochaine et inévitable. Mais personne n’osait altérer la confiance générale, ni mettre en doute la bonne foi de son voisin.

Mêmes sentiments confiants à l’Hôtel-de-Ville. Des méfiances et des soupçons existaient bien parmi les principaux chefs du mouvement, mais aucun d’eux n’éleva la voix pour les formuler, craignant de compromettre le succès des négociations désirables. Parmi ces militants avertis, il convient de citer Maxime Lisbonne. Dans ses souvenirs inédits[1], Lisbonne a dit :

Nous eûmes le tort de nous croire déjà complètement vainqueurs, tandis qu’en réalité rien n’était fait encore. Cette faiblesse allait probablement être une des premières causes de la défaite de la Révolution Nous n’avions, il est vrai, à opposer à l’armée de Versailles qu’une garde nationale de trois cent mille homes, peu aguerris, peu disciplinés et commandés par des chefs inhabiles. Mais cette garde nationale était pleine d’enthousiasme et ne demandait qu’à marcher sur Versailles. L’armée était désorganisée, hésitante et la plupart des soldats disposés à fraterniser avec le peuple si la lutte s’était engagée. Les seuls ennemis sérieux que nous eussions à combattre étaient la garde de Paris, les gardiens de la paix enrégimentés, et les quelques débris de l’ancienne garde impériale. Mais qu’eût fait cette poignée de mercenaires contre un peuple rempli d’enthousiasme et de dévouement à la République ? Nous eussions peut-être laissé cent mille hommes sur le terrain, mais le succès était assuré. L’inertie du Comité Central fut, je ne dirais pas une faute, mais un crime…

Souvenirs du 18 mars 1871 au 26 mai, par Maxime Lisbonne, ex-colonel de la Commune, suivis de deux mémoires sur son procès par Me Léon Bigot. Datés de la presqu’île Ducos, 7 juin 1880.)

  1. L’auteur possède le texte de ces Mémoires de Maxime Lisbonne, qui n’ont pas té publiés, et auxquels Da Costa a fait allusion dans son ouvrage. Le manuscrit que est entre les mains de l’auteur a été rédigé à la presqu’île Ducos. Il est signé du pseudonyme transparent de : Portugal.