Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/304

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étaient seuls de bonne foi et jouaient franc jeu. Les adroits diplomates des municipalités purent leurrer aisément le Comité Central et les Parisiens, également naïfs et crédules, par désir d’apprendre qu’un accord était enfin établi. Tous espéraient qu’on ne se battrait pas, qu’il n’y aurait ni sang, ni cadavres, ni ruines. On était si heureux de voir s’évanouir, à la clarté de la confiance, le sinistre cauchemar de la guerre civile, que l’on se croyait déjà hors des ténèbres quand elles s’épaississaient davantage. Les regards tournés vers l’avenir l’apercevaient rose. Les sombres projets de M. Thiers échappaient à ces visionnaires optimistes.

Les maires indécis et cauteleux, qui ne voulaient certainement pas d’un retour à la monarchie, mais qu’effrayait un gouvernement franchement républicain aux tendances visiblement socialistes, favorisèrent, par leurs tergiversations et leurs apparences conciliatrices, la concentration des troupes à Versailles et l’inertie à Paris. Tous ne furent pas sans doute, comme les Tirard, les Vautrain, les complices conscients de M. Thiers, mais bien peu furent assez clairvoyants pour s’apercevoir qu’on les jouait. C’est que l’esprit admet assez facilement ce qu’il espère, et que tout le monde, même les maires et députés les plus hostiles au Comité Central, avait l’espoir d’un accord. Chacun chercherait par la suite à en tirer l’avantage. Les meilleurs parmi les maires et les députés auraient cru mal agir et trahir la cause de Paris, s’ils avaient paru suspecter la bonne foi de leurs collègues et mettre en doute la réussite des pourparlers conciliateurs. Ils savaient, ils voyaient que toute la population souhaitait une entente, et on eût semblé faire acte de mauvais citoyens en brusquant les choses, en rompant les négociations, en y mettant obstacle. Nul d’entre ceux dont on ne saurait suspecter les intentions ne voulait être, par la suite, accusé d’avoir empêché la paix et amené la guerre