Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/430

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à propos de cette bienheureuse souscription deviendrait le procès fait à l’empire. Alors, poursuivi à son tour devant l’opinion, pour le crime originel, pour l’acte illégal et sanglant qui l’avait fait empereur, Napoléon III, confronté avec le spectre, exhumé à propos, de sa victime, serait traduit à son tour à la barre, là où ses magistrats avaient amené les républicains. Il y serait flétri et condamné. Ce procès aurait pour sanction le verdict du jury de la nation. La poursuite vraiment était un coup du sort ! Il fallait savoir en tirer parti et ne pas laisser échapper la précieuse occasion. Le Réveil et son rédacteur en chef étaient assignés, eh bien ! Ils se défendraient, mais en attaquant. À la sortie de l’audience, malgré la condamnation par les magistrats, qui était certaine, ou plutôt cherchée, on additionnerait les résultats de la bataille, on compterait les coups, et l’on verrait alors que les hommes de l’empire, touchés à fond, ne se relèveraient pas. On saurait aussi de quel côté était le parti vaincu, de quel côté serait bientôt la véritable force et la durable victoire.

Une plaidoirie-réquisitoire, une plaidoirie-massue, sous laquelle le régime et son défenseur officiel seraient écrasés à l’audience, était indispensable. Mais qui la prononcerait ? Charles Delescluze n’était ni un vaniteux ni un étourdi. Il se sentait très capable de dire des paroles dures à la barre, et l’avocat impérial ne l’intimiderait pas, mais il se savait aussi fort médiocre orateur, dépourvu de verve, dénué de tout brio. Il ne pouvait s’engager à lâcher un flot de phrases creuses et sonores emplissant la salle, de là se répandant au dehors, faisant déborder l’indignation publique. Il était un ennemi de l’épithète. Il serait incapable de lancer à la face de l’empereur la poignée de qualificatifs redondants, qui, en le criblant, résonneraient comme la grêle crépitant sur les toits. Il fallait trouver une voix