Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/119

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que le préfet et les fonctionnaires de M. Thiers n’ont rien fait pour prévenir ou arrêter un mouvement qui devait être prévu. La préfecture du Rhône avait des agents secrets dans les groupes, et aussi des amis et des citoyens hostiles à toute émeute, qui auraient pu la renseigner, la prévenir, qui l’ont fait certainement. On ne les a pas écoutés, et le mot d’ordre devait être donné de ne tenir nul compte des renseignements alarmistes apportés. Le préfet avait incontestablement reçu des ordres pour laisser s’échauffer les esprits à la Guillotière, afin de pousser les militants à descendre dans la rue. On laissait le temps à une émeute de se produire, parce qu’on était certain qu’il serait facile de l’étouffer. Toujours le système préconisé et appliqué par Cavaignac durant les journées de Juin ; ce fut là aussi toute la conception du plan de M. Thiers dans la nuit du 17 au 18 mars. Les provocateurs n’ont pas fait l’échauffourée du 30 avril, mais M. Thiers en a tiré parti. Le mouvement qui s’est produit répondait aux désirs secrets des autorités ; le préfet, le général, le procureur Andrieux et peut-être le maire sortant Hénon et ses partisans l’estimèrent avantageux. Il permettait d’influencer le corps électoral, et d’arriver au désarmement de la garde nationale, avec l’existence de laquelle, pensaient-ils, Lyon demeurerait ingouvernable. Il faut donc se refuser à croire, malgré l’opinion du docteur Crestin, à l’existence d’agents provocateurs, mais on doit admettre, avec lui, que M. Thiers et ses agents ont tout fait pour que ce mouvement partiel éclatât, puisqu’il leur permettrait de licencier la garde nationale et de désarmer Lyon tout entier.

La ville « de la soie et du rêve », comme l’a poétiquement désignée l’un de ses plus délicats artistes, était retournée avec satisfaction à ses métiers, à son négoce, à ses songeries socialistes ou mystiques, et à ses complots