Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/264

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M. Léonce Dupont, dans ses Souvenirs de Versailles, a dit tenir le récit suivant d’un capitaine X.…, qui faisait partie de la petite colonne donnant la chasse aux fédérés, fouillant les maisons situées entre Rueil et la Seine :

Non loin de la route de Rueil, sur le territoire de Chatou, il y a un marchand de vins. Au moment où ils s’approchent de ce logis avec l’intention de le visiter, les gendarmes reçoivent la décharge d’un revolver qui leur est envoyée par la fenêtre du premier étage. Ils ne font qu’un bond, sur cette demeure inhospitalière, la fouillent avec frénésie. Au premier étage, dans une couverture de cheval verte, bordée de noir, un homme apparaît, il est chaussé de grandes bottes à l’écuyère, la couverture soulevée laisse voir une vareuse ayant au bras les traces de galons arrachés. L’homme a la tête nue. Son front de penseur haut et large, son visage allongé, garni d’une barbe en pointe, se distinguent par des tons mas et une maigreur ascétique. Lorsque les gendarmes se présentent, il fume la cigarette. Il s’avança vers eux, de façon insolente, en lançant des bouffées de fumée. Il est pris sans résistance et conduit avec force bousculades, par l’escalier, jusqu’au capitaine de gendarmerie Desmarets, qui se tient à cheval devant la maison. En l’apercevant, le prisonnier, resté libre, court au capitaine et, se plaçant par l’effet du hasard à la droite de son cheval, il ne voit pas le sabre nu que l’officier tient dans sa main gauche avec la bride : « Capitaine, de grâce, faites cesser ces mauvais traitements, il est lâche de frapper ainsi un homme désarmé. » Irrités par cette injure, les gendarmes répondent : « Le lâche c’est lui, il a tiré sur nous. »

J’ai dit que le prisonnier était à la droite du capitaine. À peine les gendarmes ont-ils parlé que l’officier s’écrie : — « Ah ! tu tires sur mes gendarmes et tu demandes grâce ? Tiens, voilà ta grâce ! » Saisissant avec la main droite le sabre nu placé dans sa main gauche, il lui en assène un coup furieux au travers du visage. Un flot de sang jaillit, l’homme tombe la tête fendue et se débat dans une atroce douleur. Un gendarme s’approche et lui décharge à bout portant son chassepot dans la tête. C’est un beau coup de sabre ! dit un officier au capitaine Desmarets…

Tel est le récit que nous entendons dans la galerie des Tombeaux. Il nous cause une pénible impression, mais dans les guer-