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du convoi, comme à ceux qu’il avait fallu laisser pourrir dans l’argile des champs de bataille.

C’étaient les morts pour la Commune, serviteurs inconnus de la cause du Peuple que Paris venait saluer au passage, en bloc, comme ils étaient entassés sous les catafalques collectifs.

Une affiche encadrée de noir avait été apposée dès le matin, conviant la population à la solennité des obsèques communales. Rendez-vous avait été donné à Beaujon. Dès midi et demie les délégations des bataillons auxquels appartenaient les morts reconnus avaient pris place devant la grille de l’hôpital. À côté des uniformes, on remarquait des femmes en pleurs, quelques-unes traînant derrière elles des enfants, l’air inquiet, montrant des petits visages sérieux, et serrés contre leurs jupes noires. L’assistance était recueillie. De sourds murmures, des frémissements, irrités par moments, agitaient cette foule, comme une onde sombre et silencieuse qu’un souffle rapide vient tout à coup rider.

La cérémonie fut, dans sa simplicité, majestueuse et émouvante. Une foule considérable où les femmes, les enfants, les vieillards se trouvaient confondus avec des gardes nationaux sans armes et des citoyens presque tous coiffés de képis, l’immortelle rouge à la boutonnière, précédée des membres de la Commune, du Comité Central, portant leurs insignes, et des délégations des sociétés bannières en tête, défila avec lenteur, encadrée par les gardes nationaux commandés, en file, espacés, le fusil canon abaissé. Les musiques jouaient des marches funèbres. Le spectacle fut triste et imposant. Des curieux, avant midi, s’étaient massés sur les points culminants du parcours : les marches de la Madeleine, le remblai du boulevard à la porte Saint-Martin, la montée de la Roquette, les abords et les pentes du Père-Lachaise. Il