Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/316

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y avait certes des indifférents dans cette masse de spectateurs, venus de tous les quartiers de la ville, des gens secrètement hostiles aussi, mais pas un murmure ne s’éleva, pas un geste méprisant ou haineux ne fut esquissé. L’assistance était respectueuse en majorité, touchée, remuée.

Sur le passage du cortège, a dit un chroniqueur réactionnaire, toutes les têtes sont nues. Un homme, à une fenêtre, garde son chapeau. On le hue. Il se découvre. Honte à qui ne salue pas ceux qui sont morts pour une cause qu’ils croyaient juste ! Ne pensez plus devant ces cadavres qu’on emporte au mal causé par les hommes qu’ils furent : ils sont morts, ils sont sacrés !

(Catulle Mendès. — Les 73 journées de la Commune, p. 108.)

Un autre écrivain contemporain, également adversaire de la Commune, a dit :

La population entière fut émue, ce spectacle impressionna même ce qui restait du « Tout Paris » traditionnel Les rares oisifs restés dans la ville, boursiers, voyageurs, journalistes, correspondants étrangers, partagèrent l’émotion populaire. Les haines se turent, et les opinions s’effacèrent devant cette grande douleur de la guerre civile. Dans les quartiers les moins suspects de sympathie à la cause des fédérés, tous se découvraient devant ces tristes dépouilles que la mort absolvait et que pleuraient tant d’êtres inconnus.

Ludovic Hans. — Second siège de Paris, p. 49.)

Au moment où l’heure fixée pour la cérémonie approchait, un omnibus tout bourré d’une paille épaisse, sanglante et froissée, s’arrêta devant l’hôpital. Il apportait de nouveaux morts, qu’on avait retrouvés, le matin, du côté de Courbevoie, mais le convoi officiel était déjà réglé dans tous ses détails, et l’on fit entrer l’omnibus à la paille rouge dans la cour de Beaujon. Rapidement s’effectua le déchargement macabre. Les nouveaux venus, pour lesquels il n’y