Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/320

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des jours suivants. Bien des femmes, jusque-là consentantes, enthousiastes même, excitant plutôt les hommes à aller aux remparts, s’alarmèrent. Elles s’efforcèrent de retenir au logis, fils, maris, frères, amants. Elles les poussèrent, surtout quand ils avaient l’âge voulu, à renoncer aux compagnies de marche, à se faire porter comme sédentaires, conformément au décret de Cluseret. Beaucoup d’hommes ayant atteint la quarantaine réfléchirent et les présents furent moins nombreux aux convocations, les tranchées insensiblement se dégarnirent.

La Commune essaya de réagir contre cette tendance à l’inertie qui se manifestait parmi les bataillons. Elle prit un arrêté, louable par les intentions, mais absolument illusoire en fait, à l’aide duquel on cherchait à inspirer aux fédérés et à leur famille une confiance qui paraissait ébranlée depuis le spectacle imposant, mais peu stimulant, de la cérémonie funèbre. On décréta que « tout citoyen blessé recevrait, si sa blessure entraînait incapacité de travail partielle ou absolue, une pension annuelle et viagère fixée par une commission spéciale dans les limites de 300 à 1,200 francs ». Une pension ! C’était, comme on dit, compter sans son hôte. Le décret semblait émaner d’un gouvernement régulier, assuré du lendemain, disposant d’un service financier garanti, assurait les pensions. Là encore régnait l’illusion. Il est à présumer que les futurs pensionnaires s’imaginèrent que leurs droits, le cas échéant, seraient indubitablement reconnus, et que rien ne mettrait obstacle, s’ils venaient à être blessés, à la pension allouée, comme ils savaient que cela se passait sous tous les gouvernements précédents. La compensation pécuniaire de leur invalidité leur paraissait non seulement due, mais sans contestation possible, acquise et sûre. Les membres de la Commune qui votèrent le principe de la pension, en renvoyant à une