Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leux ou recueilli par un collectionneur sans préjugés. La guillotine était, ce jour-là, condamnée à mort par le peuple. Ce ne pouvait être cependant qu’une exécution par effigie. Briser les supports de l’appareil, la bascule, la lunette et mettre le couteau dans l’impossibilité momentanée d’être utilisé, ce n’était là qu’un jeu populaire, on pourrait dire un jeu d’enfants.

Elle était puérile en effet cette destruction d’un outil de mort, au moment où tout autour de Paris régnait la Mort. Après une procession hurlante, de la rue de la Folie-Regnault à la place Voltaire, dans le goût de ces cortèges espagnols à la joie exubérante, les jours d’auto-da-fé, la foule, toujours secondée par les gardes du 137e, s’arrêta devant la mairie du XIe, et des débris des bois de justice fit un feu de joie. Au pied de la statue de Voltaire le bûcher flamba. Des cris, des bravos, des applaudissements éclatèrent. Les gamins, accourus en nombre, voulurent sauter par-dessus le brasier, reproduisant les amusements des feux de la Saint-Jean au moyen âge ; quelques-uns de ces espiègles, au risque de se brûler, emportèrent avec fierté des tronçons noircis fumant encore. Certains philosophes grisonnants, à barbes quarante-huiteuses, perdus parmi les spectateurs, avaient crié en se découvrant : « À bas la peine de mort ! » Ils s’imaginaient peut-être, ces bons humanitaires, l’avoir abolie, en regardant les tisons épars de ce qui avait été la guillotine.

Il y avait, depuis 1848, à la suite des déclarations pompeuses de Schœlcher, de Louis Blanc, de Victor Hugo, un courant abolitionniste dans les milieux politiques avancés. Les réquisitoires lyriques et philosophiques, dont le roman le Dernier jour d’un Condamné avait condensé l’argumentation, avaient abouti seulement à la suppression de la peine de mort en matière politique, ce qui semblait d’une