Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/335

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lugubre ironie au lendemain des massacres de juin. Les sentimentalistes de 48, qui ont laissé quelques adeptes encore, voulaient ardemment qu’on respectât la vie des gens qui assassinent les passants pour les dévaliser, mais le meurtre en masse d’ouvriers affamés et révoltés les avait laissés indifférents. Les plus acharnés pour la suppression des bourreaux avaient voulu nommer Cavaignac président de la République. Ce contraste se retrouvait dans l’âme de la foule admirant la flamme consumant l’instrument de mort. Elle oubliait qu’en ce moment même des hommes tombaient en nombre à la Porte-Maillot et devant le fort d’Issy, et qu’à Versailles comme à Paris on acclamait des exécuteurs rouges ou tricolores revenant de manier des appareils à tuer plus meurtriers que cet échafaud dont on poussait du pied les braises encore chaudes.

La Commune n’avait pas ordonné ce bûcher romantique. Elle ne connut qu’après l’extinction l’incendie à prétentions symboliques et philosophiques, et qui n’était en réalité qu’un amusement de gamins. On ne saura jamais qui eut l’initiative de ce mouvement qualifié de vengeur et d’humanitaire par certains utopistes. Il est douteux que cette plèbe fat mue par un sentiment abolitionniste, tel que le comprenaient et le propageaient Schœlcher, Victor Hugo ou Louis Blanc. Elle a plutôt les sentiments violents, impitoyables, la foule prise dans son ensemble. Il n’y a qu’à prêter l’oreille aux clameurs féroces, aux cris furieux : À mort ! Enlevez-le ! À l’eau ! À la lanterne ! À la potence ! À la guillotine ! qu’elle a poussés en tous temps, sur le passage des condamnés, des vaincus, dont Jésus entendit l’expression en gravissant le Calvaire, comme Varlin trainé sur les pentes de la butte Montmartre.

Non ! la foule ne réclame pas l’abolition de la peine de mort ! Elle est au contraire très friande du régal des exé-