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des hommes de son bataillon, à la barricade de la rue Caumartin et fusillé par les fédérés près de la mairie du boulevard Voltaire, dans l’affolement des derniers jours.

Le sous-chef d’état-major était le commandant Séguin[1]. Son collègue dans les bureaux de l’État-major, Louis Barron, l’a ainsi dépeint :

Le sous-chef d’état-major est un tout petit homme de vingt-quatre ans, dont le corps mince et grêle s’agite dans un gros costume de moblot orné aux poignets de quatre galons d’or. Une ceinture rouge serre à la taille sa vareuse bleu marine, enfoncée dans un pantalon de même drap. Il est chaussé de godillots éperonnés, d’où montent jusqu’à mi-jambes de bautes guêtres de campagne. Il porte cette tenue, plus bizarre que puritaine, avec une crânerie empêtrée d’une drôlerie irrésistible.

La malicieuse nature a donné au commandant Séguin la physionomie la plus contraire à son rôle belliqueux, celle d’un rat de bibliothèque. Le teint est Jaune, tous les traits accusés, les pommettes saillantes, le nez proéminent et de travers, la bouche trop fendue, le menton trop pointu, les yeux petits, louches et myopes, disparaissent sous d’immenses bésicles, mais, surmontaut tout cela, s’élève un front magnifique d’intelligence et de fermeté. Car l’ironique nature, non contente encore de son œuvre, a logé, dans ce corps mal bâti un esprit amoureux d’art militaire, érudit des choses de la guerre, une âme de héros et de poète, éperdument éprise de stratégie et de tactique, de batailles et de sièges.

Séguin, soldat par vocation, ne l’est pas par éducation, c’est un universitaire, licenciées lettres, candidat à l’école normale, pro-

  1. Séguin, rentré en France à l’amnistie, donna des articles fort appréciés sur les questions militaires à divers journaux républicains. Il écrivait au Mot d’Ordre lorsque commença la campagne de Tunisie. Il demanda à suivre le corps expéditionnaire comme correspondant. Un jour ses correspondances très remarquées, n’arrivèrent pas. On ne tarda point à apprendre que le malheureux journaliste avait été assassiné par un fanatique musulman, à quelques mètres de la porte de Stax, hors de laquelle il s’était aventuré pour aller au-devant d’une colonne française revenant d’expédition. L’ex-sous-chef de l’état-major de La Commune a eu la mort d’un soldat, sous le drapeau tricolore.