Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/80

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fait l’accord de tous les Français. Les départements n’eurent donc pas d’hésitation à approuver cette insurrection, faite pourtant en présence de l’ennemi ; des commissaires venus de Paris firent sans difficultés reconnaître le gouvernement qui s’était nommé lui-même. Personne ne s’avisa de considérer comme une usurpation l’envahissement du corps législatif et la proclamation, au hasard et sans intervention du peuple, d’un certain nombre de députés qui s’étaient désignés entre eux pour être chefs. Le 4 septembre, qui pouvait être interprété comme une émeute locale, intéressant les seuls parisiens, et contre laquelle l’indifférence provinciale pouvait être logique et l’hostilité légitime, fut ainsi, comme par une grâce d’État, accepté, et son gouvernement fut instantanément reconnu par toute la France. On obéit au télégraphe.

Au Dix-Huit mars et à la suite des événements dont cette journée fut le point de départ, la mentalité départementale apparut bien différente. L’invasion avait coup la France en morceaux. La vie nationale ainsi sectionnée, il n’y avait plus ni échange ni mélange entre les diverses parties du corps social. La circulation des idées, la transfusion des sentiments avaient été irrégulières et interrompue, et ce désordre dans les veines du pays avait persisté, les communications rétablies. La suture faite entre les tronçons, le corps social n’avait pas retrouvé son fonctionnement normal.

Parisiens et provinciaux semblaient devenus des voisins, non plus des compatriotes. Leurs pensées, leurs aspirations, leur manière de voir les choses, de les apprécier, étaient dissemblables, comme l’avait été leur existence depuis huit mois. On ne parlait plus la même langue, ayant été si longtemps sans se parler. Il y avait eu séparation de fait : le divorce est imminent, quand, fut-ce à la suite d’une catastrophe survenue, chacun des époux a dû vivre à part. L’é-