Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/81

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tiquette de la République servait encore de lien ; mais, sans être brutalement coupé, ce lien national s’était détendu et pouvait tout à coup apparaître par places dénoué. La province rendait volontiers hommage aux parisiens et parisiennes assiégés, bien que, pour certains sceptiques des bords de la Garonne ou de la Durance, leur héroïsme eût consisté surtout « dans la mastication du bifteck de cheval et dans la privation de croissants pour le café au lait du matin ». Beaucoup estimaient cet héroïsme intempestif et même fâcheux. Ils ne voulaient considérer que son résultat, négatif pour Paris et désastreux pour la province, puisqu’il avait prolongé la guerre pour toute la France et retardé la bienheureuse paix. Les plus sincères avouaient familièrement que Paris les « embêtait », et qu’ils en avaient « plein le dos » de sa domination. Elle avait trop duré, cette prépondérance orgueilleuse et autoritaire que rien d’avantageux ne justifiait. On avait assez subi les caprices de la Capitale. Paris faisait et défaisait les gouvernements, et, comme s’il s’agissait de la mode des chapeaux, on devait adopter sans discussion la forme que son caprice avait choisie. Il fallait se conformer à la volonté et aux fantaisies de Paris, avoir ses goûts et toujours lui emboîter le pas. La province commençait à être lasse de tant d’obéissance et irritée de ce rôle de demoiselle suivante. À la première occasion on s’en affranchirait. L’heure propice n’était-elle point venue ? Déjà il y avait eu, dans certains pays du Languedoc, un désaccord, qui avait dépassé les revendications décentralisatrices, et le séparatisme avait pu être envisagé, en des cités méridionales, sans indignation. Les félibres, pour la plupart catholiques et royalistes, avaient acclamé la poétique invocation de leur principal troubadour, Frédéric Mistral, notant dans son patois harmonieux les doléances de la Provence, sœur cadette, qu’il représen-