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neige, comme si c’eût été la Saint-Jean ; et il n’y avait là qu’une jeune fille pour soigner le feu et donner à manger au vieux. Ses petits-fils et petites-filles étaient avec les rennes, bien loin, tout au loin sur le « Fjeld ».

Hans fit bien sécher ses vêtements et goûta le repas dont il avait tant besoin. La jeune Finnoise, Seimke, s’empressait auprès de lui ; elle lui donna du lait de renne et des os à moelle et il s’étendit sur des peaux de renards blancs.

Il faisait bon et l’on était bien dans la fumée de la hutte. Mais, tandis qu’il était là, mi-assoupi, mi-éveillé, il lui sembla que d’étranges choses se passaient autour de lui.

À l’entrée de la hutte se tenait le Finnois : il parlait à ses rennes qui, pourtant, étaient tout au loin dans les montagnes, là-bas. Il barrait les voies du loup et il menaçait par ses formules magiques les ours. Puis il ouvrit son sac de peau et la tempête hurla et siffla : un tourbillon de cendres chaudes s’envola. Et quand tout se fit calme, à nouveau, l’atmosphère de la hutte était remplie de jaunes bourdons qui s’éparpillèrent dans ses fourrures, tandis qu’il bavardait et marmottait, tout en branlant sa tête chauve.

Mais Hans avait autre chose à faire que de regarder le vieux Finnois. Dès que le poids du sommeil eut abandonné ses yeux, il se hâta d’aller retrouver son bateau.

Le bateau tenait ferme dans le sable du rivage et était tout à fait retourné comme un baquet, de sorte que la mer venait frapper ou frôler la quille ; il le tira assez loin sur la plage pour le mettre hors de l’atteinte des vagues.

Mais plus il tournait autour, l’examinant avec soin, plus il lui paraissait évident que les gens construisaient les bateaux, vraiment, dans le seul but de laisser la mer y pénétrer plutôt que d’empêcher l’entrée de l’eau. La proue ne valait pas beaucoup mieux qu’un groin de porc pour fendre les vagues et le bordage près de la quille était plat comme le fond d’un coffre. Il faut tout modifier, pensait-il, si l’on veut que le bateau puisse prendre la mer. La proue doit être élevée d’une ou deux planches pour le moins ; il faut qu’elle soit tout à la fois coupante et souple, de sorte qu’elle puisse aussi bien se courber devant les vagues que les traverser : alors on aurait un beau bateau, qui marcherait vivement.

Tout le jour, toute la nuit il y songeait. Il ne fut distrait de ces pensées que par une courte conversation, le soir, avec la jeune Finnoise.

Il ne pouvait s’empêcher de remarquer que cette Seimke était éprise de lui. Elle le suivait partout et ses yeux devenaient tout