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Page:Lermitage-1896-Volume12.djvu/329

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tristes chaque fois qu’il descendait au rivage ; elle comprenait si bien que toutes ses pensées étaient tendues vers le départ.

Et le Finnois, toujours, était installé, marmottant, au milieu de ses cendres : sa jaquette fumait.

Mais Seimke enjôlait tellement Hans du regard de ses yeux bruns, elle lui prodigua si bien les paroles de miel à en fatiguer sa langue, qu’elle réussit à l’attirer jusqu’au nuage de vapeur où le vieux Finnois ne les entendrait plus.

Le sorcier tourna la tête.

« Mes yeux sont troubles, la fumée leur fait mal, — dit-il ; — que tient donc Hans là-bas ? »

« C’est le blanc ptarmigan que vous avez pris au piège, » fit-elle à voix basse.

Et Hans sentit qu’elle se pressait contre lui et qu’elle tremblait de tous ses membres.

Alors elle lui parla si doucement qu’il crut entendre ses propres pensées : le Finnois était irrité contre lui et chantait des incantations contre le bateau qu’il voulait construire. Si Hans devait parvenir à l’achever, le sorcier ne pourrait nulle part vendre le bon vent dans tout le Nordland. Elle lui conseilla de se tenir sur ses gardes : il fallait éviter de se trouver entre le Finnois et ses bourdons enchantés.

Et Hans eut le pressentiment que ce bateau pouvait être la cause de sa perte. Mais plus les événements lui paraissaient mal se présenter, plus il s’efforçait d’en tirer bon parti.

Dans la pâleur grise de l’aube, avant que le Finnois fût levé, il se dirigea vers le rivage.

Mais, chose singulière, la neige s’accumulait en tas de plus en plus hauts, à perte de vue : plus il avançait et plus la blancheur du paysage reculait, plus profondément il enfonçait : impossible d’arriver à la mer. Et jamais il n’avait vu l’aurore boréale prolonger son éclat aussi loin dans la journée. Ses lueurs étincelaient et pétillaient, de longues langues de feu, léchantes, sifflaient après lui. Pas moyen de découvrir ni plage, ni bateau ; où se trouvait il, il n’en avait pas la moindre idée.

À la fin, il découvrit qu’il s’était complètement égaré : au lieu d’aller sur le rivage, il s’avançait dans l’intérieur des terres. Mais, tandis qu’il s’en retournait dans la bonne direction, voici que s’éleva une brume si dense qu’il ne pouvait voir à un mètre de lui.

Quand vint le soir il était absolument à bout et ne savait vraiment plus que faire.

La nuit descendait ; la neige tombait à flocons plus pressés.