Page:Lermitage-1896-Volume12.djvu/333

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proue et une poupe très hautes. Sa carène goudronnée était pleinement reflétée dans l’eau et l’on n’y distinguait pas le moindre nœud dans le bois.

« Oh oui ! j’accepte avec reconnaissance », répondit Hans.

Mais à peine avait-il parlé, que Seimke se mit à pleurer et à se lamenter terriblement. Elle se précipita à son cou, ne voulant pas le laisser partir, eut comme une crise de délire, jeta des cris perçants. Elle lui promit ses raquettes, qui le mèneraient partout où il souhaiterait d’aller, dit qu’elle volerait à son intention la baguette d’os du sorcier par le moyen de laquelle il découvrirait tous les trésors qui ont été enterrés, s’offrit à lui enseigner comment on fait dans les lignes des nœuds pour attirer les saumons et de quelle façon on appelle les rennes à soi de fort loin. Il deviendrait aussi riche que le Finnois, si seulement il consentait à ne pas l’abandonner.

Mais Hans n’avait d’yeux que pour le bateau là-bas.

Voyant cela, elle fit un bond, arracha de ses beaux cheveux noirs et en lia ses pieds : il faudrait s’en délier d’abord, avant de pouvoir la quitter !

« Si je reste ici pour jouer avec toi et les jeunes rennes, plus d’un pauvre diable usera ses ongles à la quille d’un bateau », dit-il. « Voyons ! donne-moi un baiser, puis une dernière étreinte, sinon je m’en passe ! »

Et elle se précipita dans ses bras telle qu’une jeune chatte, regarda droit dans ses yeux à travers ses larmes, toute tremblante pleura, semblait hors d’elle-même.

Mais, voyant qu’elle ne pouvait rien sur lui, elle s’enfuit, avec des gestes d’appel vers la hutte du sorcier.

Hans comprit qu’elle implorait son assistance et qu’il était prudent de se réfugier tout aussitôt dans le bateau tant que la route lui était encore ouverte. Le bateau s’était avancé tellement près des roches qu’il n’eut qu’à se laisser descendre sur les bancs. Le gouvernail glissa dans sa main ; en travers, derrière le mât, il y avait quelqu’un à la proue qui hissait et déployait la voile : mais son visage, Hans ne pouvait le distinguer.

Ils partirent.

Et un bateau pour courir devant le vent, Hans n’en avait jamais vu de pareil. Les vagues se dressaient autour d’eux comme des masses de neige, bien qu’il fît pour ainsi dire calme. Mais ils n’étaient point partis de longtemps qu’un mauvais sifflement passa dans l’air. Les oiseaux criaient, se hâtant vers la terre ; la mer, telle qu’une muraille sombre, s’éleva derrière eux.