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Mais les abeilles ensorcelées tournoyaient en bourdonnant sur les fourrures délaissées, comme un cercle jaune, et faisaient bonne garde.

Au milieu de la nuit Hans fut réveillé par la sensation de quelque chose qui le tirait comme de très loin. C’était, lui semblait-il, comme une sorte de courant d’air ; quelque chose le menaçait et l’appelait du dehors, parmi la neige :

« Tant que tu ne pourras pas nager comme le canard,
L’œuf que tu pondras n’éclôra point,
Le Finnois ne permettra jamais que tu mettes à la voile vers le Sud,
Car il vissera le vent et emprisonnera la brise. »

Et, à la fin de ce chant, le sorcier était là, se penchant vers lui ; la peau de sa face pendait, inconsistante et toute ridée comme la peau d’un vieux renne et il y avait dans ses yeux comme une brume de vertige, vraiment. Et Hans se mit à trembler de tous ses membres, sachant que le Finnois était en train de l’ensorceler.

Mais il roidit sa volonté pour combattre ses maléfices : et ainsi ils luttaient l’un contre l’autre ; le Finnois avait la face toute verte, il était près d’éclater.

Après cela, les sorciers de Jokmok envoyèrent vers Hans des passes ; ils lui troublèrent l’esprit. Il se sentait tout drôle et chaque fois qu’il songeait à son bateau, si un détail était bien établi, tout aussitôt un autre détail détruisait le précédent : à la fin, il lui semblait voir trente-six chandelles.

Alors une douleur profonde s’empara de lui. Malgré tous ses efforts, il ne pouvait assembler les pièces de son embarcation comme il le voulait ; et, vraisemblablement, la mer, plus jamais il ne la passerait !

Mais, quand vint l’été, Hans et Seimke allaient s’asseoir ensemble à la pointe du cap, par les belles soirées : les moucherons bourdonnaient, les poissons lançaient des jets d’eau dans le silence et, çà et là, les eiders nageaient.

« Si seulement quelqu’un voulait me construire un bateau aussi vite et aussi agile qu’un poisson et qui volerait sur les vagues tel qu’une mouette ? » répétait Hans, la voix pleine de sanglots — « alors, je pourrais partir ! »

« Veux-tu que je te conduise à Thjöttö ? » clama une voix venant du rivage.

Il y avait là quelqu’un avec une coiffe de peau retournée, dont on ne pouvait distinguer le visage.

Et juste devant les roches, là-bas, à l’endroit même ou ils avaient vu les eiders, flottait sur la mer un bateau étroit et long, avec une