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de telle sorte que le Finnois n’apercevant que la peau grise put s’imaginer qu’on amenait le renne.

Hans appuyant une main sur le cou de Seimke se présenta comme pour acheter l’animal et fit un prix.

Le bonnet pointu s’agita, le Finnois cracha : non, vendre son renne, il ne le voulait point.

Hans offrit davantage.

Mais le Finnois éparpilla le cendres autour de lui, cria, menaça. Les bourdons se pressaient aussi denses que des flocons de neige : la fureur du Sorcier était en eux.

Hans augmentait son prix encore et encore ; maintenant c’était tout un plein boisseau d’argent qu’il offrait. Le Finnois allait éclater de fureur.

Mais il fourra de nouveau sa tête sous ses fourrures et se mit à marmonner des incantations : l’offre atteignait sept boisseaux à présent.

Et alors il commença à rire, à rire ; il rit à se tordre. Il se disait que le renne allait coûter à son acheteur un joli denier.

Mais Hans se saisissant de Seimke se précipitait avec elle dans son bateau, tenant derrière lui la peau de renne pour se protéger contre le Finnois.

Ils touchaient au rivage ; ils étaient à la mer.

Seimke était si heureuse ; elle se frotta les mains et prit sa place pour ramer.

Comme un grand peigne de lumière, l’aurore boréale dardait ses lueurs rouges et vertes qui se jouaient, caressantes, sur son visage. Elle lui parlait, elle la défiait de ses petites mains et ses yeux brillaient. Elle mettait en œuvre sa bouche, sa langue et la rapidité de ses gestes lorsqu’elle conversait avec elle.

L’obscurité tombait. Elle se pencha sur la poitrine de Hans ; il pouvait sentir sa chaude haleine. Ses beaux cheveux noirs se déroulaient et elle était doucement palpitante comme un ptarmigan effrayé dont le cœur bat à se rompre.

Hans enveloppa Seimke de la peau du renne. Le bateau se balançait sur la mer comme un berceau.

Ils allaient, ils allaient. C’était la nuit. Ils allaient. On ne voyait plus de promontoire, plus d’île, sur les récifs plus d’oiseaux.

Traduit du norwégien de Jonas LIE,
par Geo. KHNOPFF.


FIN