Page:Lermitage-1896-Volume13.djvu/47

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l’air, toute la pourriture autour de lui était d’une plus vaste horreur.

Pendant le jour il prenait comme points de repaire les cormorans tout au loin dans le gris de la brume et à la nuit ils poussaient des cris à ses oreilles.

À la fin, le brouillard se leva quelque peu sur la mer et dans l’air ce fut toute une agitation de bourdonnants bourdons noirs. Le soleil brûlait et tout au loin sur la terre ferme les plaines couvertes de neige étincelaient.

Hans reconnaissait parfaitement le promontoire et le rivage auquel il allait atterrir. La fumée qui s’élevait là-bas sortait de la hutte du Sorcier Finnois. Et lui-même était sur le seuil. Il levait et abaissait son bonnet pointu, encore et encore, au moyen d’une espèce de corde faite avec des tendons qui passait droit à travers son corps : toute sa peau craquait.

Et là-haut, certainement aussi, c’était Seimke.

Elle paraissait vieille et sèche tandis qu’elle se penchait sur la peau de renne qu’elle étendait au soleil, dehors. Mais elle regarda sournoisement de dessous son bras, vive et preste comme une chatte qui joue avec ses petits, et le soleil éclaira son visage et fit étinceler la sombre noirceur de ses cheveux.

Elle eut un sursaut, abrita ses yeux et regarda en bas vers lui. Son chien aboyait, mais elle le calma pour que le Finnois ne s’aperçût de rien.

Et alors un étrange désir se saisit de Hans et il toucha terre. Il était à ses côtés, elle se saisit de ses bras, se les mit autour de sa tête, rit, se blottit tout contre lui, criant, implorant, hors d’elle-même ; elle se penchait sur sa poitrine, se jetait à son cou, lui donnait des baisers, le caressait, ne voulait pas le laisser partir.

Mais le Finnois avait remarqué qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire ; il restait là dans ses fourrures, marmottant des mots bizarres à ses bourdons et Hans n’osait point passer entre lui et le seuil.

Le Sorcier était irrité.

Depuis que tout le monde avait changé de bateaux dans le Nordland entier et qu’il ne pouvait plus vendre de bon vent nulle part, la misère était venue pour lui et il se désolait. Il était si pauvre à présent qu’il lui faudrait bientôt quitter sa hutte et s’en aller mendier son pain. De tous ses rennes il n’en restait plus qu’un ; il vaguait là, autour de la maison.

Seimke se glissa derrière Hans et lui dit à mi-voix : « Fais semblant de te présenter pour acheter le renne ! » Et là-dessus, elle s’entoura de la peau et se plaça à l’entrée de la hutte dans la fumée,