Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/246

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oublié de prévenir la princesse Marie de cela.

Nous étions déjà, au milieu, à l’endroit le plus rapide, lorsque se sentant chanceler sur sa selle, elle s’est écriée d’une voix faible : je me trouve mal ! Je me suis penché rapidement vers elle et j’ai entouré avec mon bras sa taille souple.

« Regardez en haut ! lui ai-je dit doucement ; ce n’est rien ! n’ayez pas peur, je suis avec vous. »

Elle s’est trouvée mieux et a eu envie de se débarrasser de mon bras ; mais j’ai enlacé plus solidement sa taille svelte et charmante ; ma joue frôlait presque sa joue et son haleine me brûlait.

« Que faites-vous avec moi ? mon Dieu ! »

Je n’ai point tenu compte de son émotion et de son trouble et de mes lèvres j’ai effleuré sa joue délicate. Elle a frissonné, mais n’a rien dit ; nous marchions les derniers et personne ne nous a vus. Quand nous avons atteint le bord, tous avaient pris le trot ; la princesse a retenu son cheval et je suis resté à côté d’elle ; il était évident que mon silence l’inquiétait, mais j’ai pris la résolution de ne pas dire un mot. J’étais curieux de savoir comment elle se tirerait de cette situation difficile.

« Ou vous me méprisez ou vous m’aimez bien ! a-t-elle dit enfin d’une voix dans laquelle il y