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Page:Les Écrits nouveaux, Tome 1, n° 3, 1er jan. 1918.djvu/53

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contre l’empereur ! Tiens, voilà, tu auras une note insuffisante pour ta conduite ». Et tous les grands écrivains passent l’un après l’autre. Tous ont eu des cris de révolte, de sédition. Oh ! le vieux professeur a bien étudié leur vie. Tous ils auront de mauvaises notes. « Toi, écrivailleur surnommé le plus grand satirique, toi dont le rire n’a pu être étouffé par la censure, tu auras la plus grande punition ». Le vieux professeur décroche son portrait, le porte et l’accroche dans les lieux d’aisance. Ah ! ah ! il s’est bien vengé, le vieux professeur !



La foule est anxieuse. Des moujicks déguenillés, des ouvriers se tassent pêle-mêle dans l’inquiétude de la décision, la sombre silhouette d’un prêtre, d’un pope, se dresse tenant dans ses mains une sainte icône. Oui, le pope ira comme jadis, du temps des Tzars de la Moscovie, implorer le petit père et lui dire que ses serviteurs sont méchants et abusent de son fidèle peuple. Ils se mettent en marche confiants, des coups de fusil les reçoivent. La neige immaculée est couverte de taches rouges. L’icône tombe brisée.

Le père avait trahi ses enfants.



Petits tableaux d’une grande époque ! époque pleine d’amertume, de dégoût, de lassitude ; époque où les cordes harmonieuses du tréfonds du cœur humain ont tressailli, touchées par des doigts impurs. Époque grandiose où des milliers d’hommes, s’élevant au-dessus de l’ironie, ont sciemment abandonné leur bonheur personnel pour le bonheur de tout un peuple, pour un mirage fugitif peut-être. Abandonnés par leurs frères, par la vie elle-même, sifflés, hués, martyrisés, ils ont expiré dans des cachots infects et ils sont morts dans le silence d’un hiver éternel. Jamais leur foi n’a fléchi ; c’étaient de grands hommes. La flamme, sacrée, ces martyrs l’ont transmise aux gardiens incertains, fils égarés peut-être. Bien lourd est l’héritage des torts séculaires !

Tocsin ! Tocsin ! La Sainte-Mère la Russie brûle et le feu est