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Page:Les Œuvres libres, numéro 10, 1922.djvu/32

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comme volonté testamentaire. Ce serait bien de le faire. Ce serait bien pour vous si vous le faisiez. Mais si vous ne le faites pas, c’est votre affaire : c’est que vous n’êtes pas encore mûrs pour cela. Que mes œuvres aient été vendues durant ces dernières neuf années cela a été pour moi la chose la plus pénible de ma vie.

« 5° Encore, et le principal : je prie tous mes amis proches et lointains de ne me pas louanger. (Je sais qu’on le fera puisqu’on le fait même de mon vivant et de la façon la moins bonne.) Si l’on veut cependant s’occuper de mes écrits, alors qu’on s’attache à ces passages dans lesquels, je le sais, la force de Dieu parlait par moi, et qu’on en profite pour sa propre vie.

« Il y avait des moments quand je me sentais le prédicateur de la volonté de Dieu. Souvent j’étais si impur, si plein de passions égoïstes, que la lumière de sa vérité était obscurcie par mes ténèbres. Mais, parfois, cette vérité passait à travers moi, et c’étaient les moments les plus heureux de ma vie. Dieu fasse que son passage à travers moi ne souille pas cette vérité et que les hommes malgré l’impureté qu’elle a reçue de moi, puissent néanmoins s’en pénétrer. C’est en cela seulement qu’est l’importance de mes écrits. C’est pourquoi on ne peut que me blâmer pour eux et nullement me louanger. C’est tout. »

« L. Tolstoï. »

(Traduit par J. W. Bienstock.)