Page:Les Œuvres libres, numéro 10, 1922.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
6
PAGES INÉDITES

même l’indice de ce qu’on appelle, à tort, le talent, et que j’appelle, moi, la personnalité. Tout cela est inutile. Je ne reconnais pas la division en hommes qui ont du talent et en hommes sans talent. Tous les hommes peuvent également — matériellement et moralement — servir les autres, quand ils y sont appelés. Nous savons qu’on peut servir les autres, matériellement, par des moyens bien différents. Pour ce qui est de les servir moralement, spirituellement, l’opinion s’est établie chez nous qu’on ne le peut que par la science, l’art et la littérature. C’est comme si les hommes s’imaginaient qu’on ne peut servir matériellement les autres qu’en fabriquant des télègues et des valises. Dans ce cas, on en fabriquerait tant qu’on ne pourrait les utiliser toutes, et qu’elles ne seraient plus nécessaires à personne. C’est ce qui arrive, en général, avec les productions de ce qu’on appelle la science, l’art, la littérature ; les nouvelles et les romans surtout. Si vous saviez comme moi combien on en écrit de ces riens inutiles et monotones dans leur diversité.

« Laissez cette occupation. Tâchez d’être un brave homme, de vivre selon la lumière qui est en vous, c’est-à-dire selon votre conscience, et alors, inévitablement, vous agirez moralement sur les autres. Sera-ce par votre vie, vos paroles, ou même par vos écrits, je ne Sais, mais vous agirez. C’est seulement quand l’homme, comme une éponge, s’est imbibé lui-même du bien, qu’il peut le déverser sur les autres. Non seulement il le peut, mais il y est fatalement amené.

« Telle est la loi de la vie humaine.

« Autrement, quoi ? Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom ? Moi, j’ai passé par là, et sans parler de ceux qui écrivent exclusivement pour la renommée et l’argent, même les écrivains les plus sincères, outre le besoin de