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Page:Les Œuvres libres, numéro 3, 1921.djvu/319

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Antoine déchaîné

Choses zv.es

par

René Benjamin

Le dimanche, si j’ai deux heures à moi, un de mes plus vifs plaisirs est d’aller tirer la sonnette d’Antoine, Je passe la Seine, je suis le quai des Orfèvres, je traverse la place Dauphine, autant d’images précieuses à des yeux de parisien, et me voici dans la maison qu’anima Mme Roland, cette française héroïque et charmante. Je ne monte jamais l’escalier sans que mon cœur ait un souvenir pour cette grande jeune femme trépassée, puis soudain dans mon esprit se dresse vivant, l’homme qui habite son vieux logis. J’ai de l’émotion devant sa porte ; je sonne ; mes nerfs me rappellent que j’arrive chez un des contemporains les plus étonnants.

Cette pauvre humanité, si féconde en médiocres, est représentée fort bien dans les atlas où de petites vignettes figurent les principaux types d’hommes. Rien de plus vrai ni de plus aisé que de classer par genres les individus. Presque jamais la Vie ne travaille sur mesure : elle fait de la confection par séries. Aussi, quelle rareté, quand on rencontre, comme dans les livres d’histoire, une figure qui se détache, s’impose et dit : « Je suis moi ; il n’y a que mon nom qui puisse me désigner ». Tel est Antoine. -La surprise qu’il procure est un trait de tous