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JALOUSIE

lui dire adieu, car le Duc et la Duchesse me ramenaient et étaient fort pressés. M. de Guermantes voulait cependant dire au revoir à son frère. Mme de Surgis avait eu le temps, dans une porte de dire au Duc que M. de Charlus avait été charmant pour elle et pour ses fils. Cette grande gentillesse de son frère et la première que celui-ci eût eue dans cet ordre d’idées toucha profondément M. de Guermantes et réveilla chez lui des sentiments de famille qui ne s’endormaient d’ailleurs jamais longtemps. Au moment où nous disions adieu à la princesse, il tint, sans dire expressément ses remerciements à Palamède, à lui exprimer sa tendresse, soit qu’il eût en effet peine à la contenir, soit pour que le baron se souvînt que le genre d’actions qu’il avait eu ce soir, ne passait pas inaperçu aux yeux d’un frère, de même que dans le but de créer pour l’avenir des associations de souvenirs salutaires, on donne du sucre à un chien qui s’est bien conduit. « — Hé bien ! petit frère, dit le Duc en arrêtant M. de Charlus et en le prenant tendrement sous le bras, voilà comment on passe devant son aîné sans même un petit bonjour. Je ne te vois plus, Mémé, et tu ne sais pas comme cela me manque. En cherchant de vieilles lettres j’en ai justement retrouvé de la pauvre maman qui sont toutes si tendres pour toi. » « — Merci, Basin, » répondit M. de Charlus d’une voix altérée car il ne pouvait jamais parler sans émotion de leur mère. « — Tu devrais te décider à me laisser t’installer un pavillon à Guermantes, » reprit le Duc. « — C’est gentil de voir les deux frères si tendres l’un avec l’autre, » dit la Princesse à Oriane. « — Ah ! ça, je ne crois pas qu’on puisse trouver beaucoup de frères comme cela. Je vous inviterai avec lui, me promit-elle. Vous n’êtes pas mal avec lui ?… Mais qu’est-ce qu’ils peuvent avoir à se dire, » ajouta-t-elle d’un ton