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JALOUSIE

inquiet, car elle entendait imparfaitement leurs paroles. Elle avait toujours eu une certaine jalousie du plaisir que M. de Guermantes éprouvait à causer avec son frère d’un passé à distance duquel il tenait un peu sa femme. Elle sentait que, quand ils étaient heureux d’être ainsi l’un près de l’autre et que ne retenant plus son impatiente curiosité elle venait se joindre à eux, son arrivée ne leur faisait pas plaisir. Mais ce soir, à cette jalousie habituelle s’en ajoutait une autre. Car si Mme de Surgis avait raconté à M. de Guermantes les bontés qu’avait eues son frère afin qu’il l’en remerciât, en même temps des amies dévouées du couple Guermantes avaient cru devoir prévenir la duchesse que la maîtresse de son mari avait été vu en tête à tête avec le frère de celui-ci. Et Mme de Guermantes en était tourmentée. « — Rappelle-toi comme nous étions heureux autrefois à Guermantes, reprit le Duc en s’adressant à M. de Charlus. Si tu y venais quelquefois l’été, nous reprendrions notre bonne vie. Te rappelles-tu le vieux père Courveau : « Pourquoi est-ce que Pascal est troublant ? parce qu’il est trou… trou. » « — Blé, répondit M. de Charlus comme s’il répondait encore à son professeur. Et pourquoi est-ce que Pascal est troublé ; parce qu’il est trou… parce qu’il est trou. Blanc. Très bien, vous serez reçu vous aurez certainement une mention et Mme la Duchesse vous donnera un dictionnaire chinois. » « — Si je me rappelle, mon petit Mémé, et la vieille potiche que t’avait rapportée Hervey de Saint-Denis, je la vois encore. Tu nous menaçais d’aller passer définitivement ta vie en Chine, tant tu étais épris de ce pays ; tu aimais déjà faire de longues vadrouilles. Ah ! tu as été un type spécial car on peut dire qu’en rien, tu n’as jamais eu les goûts de tout le monde… » Mais à peine avait-il dit ces mots que le duc piqua ce